Je suis Sébastien Mordécaille. Bachelier à l'âge de treize ans, j'ai dû me lancer aussitôt dans la passion qui m’a toujours plu : l'enseignement - Bien sûr, je sais que dis comme ça, ça ne vous amène pas à m'accorder beaucoup de crédit. Et, à vrai dire, ce n’est pas comme si ce serait nouveau pour moi. Les différentes femmes auxquelles je me suis présenté ce sont bien chargées de me le faire comprendre.
Être prof, ce n’est pas les Bahamas !

Je n'ai pas une très grande taille ni un physique assez impressionnant pour être le héros d'une nouvel pour adolescentes ou pour des romans de bonnes femmes. Avec une voix plutôt frileuse et un regard de chien battu parfaitement marié au mouvement de mes sourcils qui sont d'ordinaire descendus vers le bas à chaque extrémité droite et gauche - À beau tenter de changer leur disposition naturelle, elle revient au galop quand je ne suis pas occupé à les maintenir pour qu'elles soient moins étranges – ça vous fait un homme sans autorité et qui n'inspire rien de bien spécial aux yeux des autres. C'est probablement ce qui doit me donner « autant d'intérêt » aux yeux de mes élèves. Oui, ça doit être à cause de ça que ces « petits anges » se donnent autant de peine pour assister à mes cours sans se soucier d'avoir fait les devoirs ou même se torturer à rester éveillé et poli pendant les séances.

L'avantage avec mon profil - encore faudrait-il reconsidérer ce mot - c'est que je n'ai eu aucune difficulté à trouver un poste d’enseignant dans un lycée. C'est plutôt tous les lycées de la place qui se sont battus pour que je les intègre. Ça, je ne pourrais pas vraiment dire que c’est un privilège. Car, je débute très jeune et mon salaire est assez insignifiant. De plus, je ne suis pas très rigoureux et autoritaire, donc je suis parfait pour les classes étant donné qu'aucun élève ne pourrait jamais se plaindre de moi avec des attributs pareils. Je suis, en quelque sorte, comme un jackpot pour un lycée qui recherche à la fois à acquérir du prestige et à économiser de l'argent.
Recruter un majeur de promotion, ça reste quand-même quelque-chose d’exceptionnelle, aussi chétif soit ce dernier.

Être un Mordécaille n'a jamais été chose facile. Grand-père et père, ainsi que tout leur ascendants l'on pleinement expérimentés. Déjà, ça prend de mauvaise blague sur le nom. Évidemment, les filles de la famille ne l'ont jamais éprouvé. Juste quelques mères et belles-filles qui préféraient se convaincre d'être suffisamment amoureuse pour tenir le coup de l'humiliation. A ce propos, quand j’étais plus jeune, ma mère me racontait souvent que c'était très embêtant pour elle de me perdre dans les grands supermarchés de la ville. Non pas parce qu'elle avait peur de ne pas me revoir - J'étais un petit garçon vraiment très intelligent - mais parce qu'elle ne voulait pas que l'on annonce dans les haut-parleurs du magasin que madame Mordécaille cherche son petit garçon partout. Si l'un des employés ou des clients l'a aperçu, qu'il veille le conduire à la réception. Il fait 1m39, a les cheveux métissés et le clavier complètement salopé.
Oui, ce n’est pas toujours la joie d'être marié à un Mordécaille.
D’ailleurs, qui sait ? C'est peut-être ça la véritable cause du refus des femmes que je courtise.
Ça ou le fait que je sois trop faible et trouillard pour me jeter dans l’art noble et masculin qu’est la drague.

À chaque fois que j'essayais de parler à mon père de la ‘’malédiction familiale’’ de son vivant, il me répondait en me disant : Non ! Fiston, le nom ''Mordécaille" est un grand nom. Et, après, ça finissait avec une histoire de pirates - mes présumés aïeules - qui auraient trouvés un trésor sacré : L'intelligence. Un trésor qu’ils auraient légué de génération en génération. Ce qui n’est pas nécessairement faux puisque les hommes de ma famille sont quand même ‘’miraculeusement’’ intelligents. Subjectivement, ils ont tous réussis à épouser de très belles femmes, malgré notre horrible nom de famille. Et... ne vous attendez pas à un objectivement, il n'y en aura pas. Entre la pisciculture, la charpenterie et la couture, il n'y a pas grand-chose à dire sur la page profession des hommes de ma famille.

Aujourd’hui, je sais que cette histoire était pour mon père une manière de ricocher sur mon intelligence afin de palier l'essor de nôtre horrible nom de famille. Oui, je pense que c'était comme pour me dire que le nom ne comptait pas, et que grâce à mon intelligence, je pourrais m'offrir le monde et avoir des chances que lui, il n'avait pas pu avoir.
Ce qui est marrant ou… plutôt triste dans tout ça, c'est que je ne l'ai compris qu'après sa mort, après avoir analysé son parcours de vie.

Vu que j'ai parlé de ce qu'il répondait à mes inquiétudes concernant notre nom de famille, de son vivant, il faut bien évidemment que je vous éclaire sur ce qu'il dit depuis son décès. Eh ben... rien. Oui ! Rien du tout en dehors de quelques flatulences qui se dégagent de sa tombe en guise de réponse. Hihihi !

Et oui ! Je sais ce que vous vous dites en ce moment : Le cadavre de mon père me répond avec des prouts pour m'inciter à le laisser reposer en paix. Mais non, ce n'est pas ça. C'est moi, qui « proutifie » les lieux, à chaque fois que je vais le voir.

Et là, je sais ce que vous vous dites aussi : Je suis très irrespectueux parce que j'ai l'habitude de profaner la tombe de mon géniteur par des flatulences régulières. Et quoi ? Je ne vais pas chercher à me justifier. C'est vraiment très stressant et effrayant de venir un dimanche à la tombée de la nuit dans un cimetière pour se confier, qui puisse-est à un mort qui pourrait peut-être bien vous répondre.

Là, vous devez être en train de vous demander pourquoi le jour de dimanche ? Et ben... et ben, parce que. Tout simplement. Ne vous attendez pas à plus claire comme réponse. De toute façon, il est très probable que vous puissiez la trouver dans les prochaines lignes. Qui sait ? Peut-être même dans le chapitre suivant.

Alors, continuons la lecture. Hihihi !