Le courage vient avec le temps
 
Aujourd’hui est un jour particulier pour Margot. Dans une heure, elle participera à sa première compétition d’escalade : une épreuve de vitesse où la gagnante est la première à gravir le mur de quinze mètres. Depuis sa chambre, elle regarde à l’extérieur et repère une petite pierre qui brille beaucoup plus que les autres. Elle sort de chez elle, court la ramasser et l’observe. Elle n’avait jamais vu une pierre briller autant ! Elle jette un rapide coup d’œil vers le ciel d’un bleu magnifique. Même les cigales chantent ! Tout est réuni pour passer une belle journée, à son grand désespoir. Elle ne souhaite plus participer à la compétition. En regardant sa pierre si spéciale, elle se dit : « si seulement il pouvait y avoir un orage, un orage tellement fort que mon épreuve d’escalade serait annulée ! ».
 
En un fragment de seconde, le ciel se couvre d’un grand manteau nuageux gris-blanc, le temps change, la petite brume que sent Margot sur son visage est certes très agréable après ces trois jours caniculaires, mais non suffisante pour annuler son épreuve. A peine a-t-elle pensé cela, qu’il se met à pleuvoir. Il pleut de plus en plus fort. Margot court aussi vite qu’elle peut pour se mettre à l’abri dans sa maison, mais avant même qu’elle puisse ouvrir la porte, elle sent la grêle lui frapper le visage. Elle se précipite à l’intérieur et ferme la porte à clef. Elle pousse un grand souffle. Cependant, son répit n’est que de courte durée. L’orage est là, elle l’entend gronder juste au-dessus. Au moment-même où elle regarde par la fenêtre, la foudre s’abat sur son figuier préféré qui se sépare en deux. Elle commence à pleurer. Elle a peur et se sent responsable des dégâts occasionnés par cet orage qui ne cesse de tonner. Jamais, elle n’a voulu cela !  Elle secoue sa pierre et la supplie : « Arrête cet orage, s’il te plaît, fais tomber de la neige, je veux juste qu’on ne puisse pas aller au mur d’escalade ! ».
 
Le temps est comme rembobiné. La voilà alors de nouveau dehors, sa pierre à la main. Le sol est sec. Devant elle, le figuier se tient debout. Elle prend le temps de l’admirer. Elle n’y avait pas fait attention jusque-là, mais on peut y apercevoir quelques fruits encore verts sur les branches. Le grincement des cigales se fait de nouveau entendre. Elle lève les yeux pour contempler le ciel bleu afin de se rassurer. Ouf ! L’orage n’est maintenant qu’un souvenir. Un petit sourire se dessine sur son visage.
 
Mais en un claquement de doigt, le ciel se couvre de nouveau. Son sentiment d’apaisement s’envole tout aussi rapidement. 
« Non, pas de nouveau l’orage ! » se dit-elle. Elle sent un flocon, puis deux. Le sol se pare d’un léger tapis blanc. Elle est finalement contente, dans ces conditions, elle ne pourra pas grimper. 
Malheureusement, le temps se dérègle de nouveau, il neige de plus en plus. Bientôt elle ne pourra plus ouvrir sa porte pour rentrer chez elle. Elle se dirige difficilement vers son entrée. Elle ne voit plus rien, tout est blanc autour d’elle. Elle tâtonne tout en avançant. Elle finit par sentir la poignée de sa porte et peut enfin entrer chez elle.
 
La neige ne cesse de tomber. Qu’a-t-elle fait ? Son désarroi s’amplifie lorsqu’elle entend aboyer. Oh non ! Sa chienne Paillette a dû la suivre quand elle est sortie et est donc coincée dehors. Il faut absolument la faire rentrer à la maison. Mais avec cette neige qui continue de tomber, Margot ne peut plus ouvrir la porte. De plus, les barreaux aux fenêtres du rez-de-chaussée l’empêchent de sortir. Il faut qu’elle arrête cette neige, et vite ! Elle empoigne sa pierre et s’écrie : « Arrête la neige ». Mais il neige encore et encore. Elle la supplie, lui murmure, lui crie de toutes ses forces, rien n’y fait, il neige toujours. Elle prend une grande inspiration, puis souffle doucement.
 
« Faites que cette neige cesse, faites que le temps redevienne comme avant, je n’ai plus peur de faire cette compétition » dit-elle, abattue. Une larme s’échappe de ses yeux et s’écrase sur la pierre.
A ce moment-là, une sensation bizarre l’envahit. Elle se sent soulevée, ses yeux se ferment, elle est comme secouée dans tous les sens, puis de nouveau, ses pieds touchent le sol.
 
Elle ouvre les yeux. La voila encore une fois devant sa maison, comme si rien ne s’était passé, la pierre brillante à la main, le ciel toujours aussi bleu, les cigales en train de chanter frénétiquement.
Affolée, elle appelle sa chienne : « Paillette, ma chérie, où es tu ? ».
La petite chienne accourt vers Margot en se dandinant gaiement. Elle n’a pas l’air d’avoir traversé un impitoyable orage, ni d’avoir survécu à une effroyable tempête de neige.
Ce qui n’est pas le cas de Margot !
Rassurée, elle prend Paillette dans ses bras et lui fait un énorme câlin.
« J’ai eu trop peur de te perdre ma Paillette ! »
Elle la repose doucement et se relève déterminée :
« Je vais aller faire cette compétition, personne, et surtout rien, ne m’en empêchera ! ».
Elle prend la pierre et la jette le plus loin possible !
 
Nous ne savons pas si Margot a gagné la compétition. 
Pour autant, nous pouvons être sûrs qu’elle a pris le temps de profiter du temps pour mettre le moins de temps !