Il me regarda d’un air perplexe. À cet instant-ci, c’était bien lui qui ne savait pas ce qu’il fallait revendiquer. Ayant toujours cette main tendue vers l’horizon, laissant l’air frais du soir s’échouer sur ma paume, il la regarda, les yeux grand-ouvert. On avait été camarade puis une sorte d’amitié s’était formée, cachée par son égo démesuré. Il se plaignait d’être trop considéré comme un enfant, en même temps.

« Que voulais-tu faire, Mohan ? ajoutai-je, d’une voix calme. Avais-tu une simple chose à dire, pouvant défendre les propos des gens qui t’appréciaient mais qui t’ont laissé par unique envie de méchanceté ? Oui, tu en avais des paroles à dire, à balancer sans que cela ne te fasse le moindre effet car tu savais que seuls les êtres les plus cruels connaissaient les secrets du mépris, les gestes incommensurables de la cruauté à l’état vierge. Seul toi n’en avais rien à faire de ces gens, aux airs égocentriques et arrogants, qui passaient leur temps à t’abattre sans une once de compassion en ta faveur. Tu étais le plus fort de tous, tu nous éblouissais, tu rayonnais sur tous les continents. À présent, une aide t’est proposée, et que fais-tu ? Tu acceptes ce que tu as rejeté depuis tant d’années, les souffrances, les cicatrises pénétrables jusqu’à l’os, les douleurs incurables, voilà ce que tu acceptes. Ecoute-moi attentivement, demandai-je en ramenant l’un de mes doigts vers son menton afin de le tenir, toi seul sais que la vie est injuste, qu’elle est vraiment dure, qu’on n’y peut rien, et qu’on n’y pourra jamais rien. Toi seul sais au combien de gens acceptent la maltraitance du diable régnant sur chacun de nos démons, toi seul sais tout cela. Cependant, tu as oublié quelque chose, mon très cher ami, si tu laisses Satan régner sur le monde et la barrière que tu as forgé, t’empêchant de m’aimer comme tu le souhaiterais, tu peux ainsi te dire que ta vie n’est que pur échec et que le pont au loin t’appelle pour plonger au creux des océans vaniteux. »